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Consacrés par la loi du 3 juillet 1985, puis inscrits dans le Code de la propriété intellectuelle (CPI) ; les droits voisins et le droit d’auteur sont les deux branches du droit de la propriété intellectuelle.

Mai 01, 2020 par Asli Tutkun 

Les notions  « droit d’auteur » et « droits voisins » sont distinctes en ce que la première protège l’ensemble des auteurs, tandis que la seconde est destinée à protéger certains « auxiliaires de la création intellectuelle » que sont les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les entreprises de communication audiovisuelle et les éditeurs et agences de presse. Alors que le régime juridique de ces deux droits protecteurs présente des similitudes, une attention particulière sera portée sur la rémunération des droits voisins et du droit d’auteur.

Qu’est-ce que le droit d’auteur ?

Définition

Le droit d’auteur est un ensemble de droits conférés à l’auteur d’une œuvre de l’esprit. Définir la notion d’œuvre de l’esprit s’avère compliqué du fait de l’article L.111-1 du CPI qui énonce une définition juridique limitée : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »

Une œuvre de l’esprit serait donc le fruit d’une création artistique, d’un effort intellectuel. Ce dernier implique un travail artistique réfléchi. Donc une œuvre de l’esprit [1]est une création dotée d’originalité et mûrement réfléchie. Le droit d’auteur a deux composantes : le droit moral et les droits patrimoniaux.

Le droit moral et les droits patrimoniaux  du droit d’auteur

Le droit moral

Le droit moral de l’auteur permet le respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Il s’agit d’un droit inaliénable, imprescriptible, perpétuel et transmissible aux héritiers de l’auteur (article L.121-1 du CPI). L’auteur a un droit moral qui lui permet d’autoriser ou de s’opposer à la divulgation de son œuvre. Ce droit très protecteur confère à son titulaire un droit absolu sur les conditions et procédés de divulgation (article L.121-2 du CPI) comme la mention de son nom ou l’opposition à toute dénaturation de son œuvre.

Les droits patrimoniaux

Les droits patrimoniaux confèrent à l’auteur un monopole d’exploitation économique de l’œuvre. L’auteur peut décider de la commercialisation ou non de son produit artistique. Par cette exploitation, l’auteur dispose d’un droit de représentation (communication de l’œuvre au public) et d’un droit de reproduction (fixation matérielle de l’œuvre par tous procédés qui permettent de le communiquer de manière indirecte) prévus aux articles L.122-2 et L.122-3 du CPI. Cependant, toute « représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » (article L.122-4 du CPI)

En d’autres termes, le producteur ou l’entrepreneur de spectacles doit obtenir au préalable l’accord écrit de l’auteur et le rémunérer avant toute exploitation de l’œuvre. Toutefois, l’article L.122-5 du CPI énumère des cas pour lesquels l’auteur ne peut interdire la divulgation de son œuvre. À titre d‘exemple, l’alinéa premier mentionne les représentations privées et gratuites effectuées dans un cadre familial (comme le visionnage d’un film en famille ou entre amis). Contrairement au droit moral qui est perpétuel, les droits patrimoniaux ne le sont pas. En effet, ils ont une durée limitée dans le temps : elle est de soixante-dix ans en France.

Passé ce délai, le droit exclusif d’exploiter une œuvre entre dans le « domaine public ».

Les droits voisins[2]

Les droits voisins sont des droits reconnus exclusivement à quatre catégories de personnes que sont les artistes interprètes (A), les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes (B), les entreprises de communication audiovisuelle (C) et les éditeurs et agences de presse (D).

Les droits voisins des artistes interprètes

Définition d’un artiste interprète

L’article L.212-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) définit l’artiste interprète comme « la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ». La prestation de l’artiste-interprète est caractérisée par une interprétation strictement personnelle. Le premier alinéa du texte exclut de la dénomination d’artiste-interprète l’artiste de complément qui a un rôle secondaire et très souvent anonyme.

Les droits voisins des artistes-interprètes

Les droits voisins de l’artiste interprète comprennent d’une part un droit moral et d’autre part un droit patrimonial.

Le droit moral de l’artiste interprète

L’article L.212-2  du CPI définit le droit moral de l’artiste comme un droit perpétuel inaliénable (incessible), imprescriptible (qui ne disparaît pas avec le temps) et transmissible à ses héritiers. L’artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation. En effet, il peut exiger la mention de son nom lors de l’exploitation de son interprétation ou s’opposer contre toute dénaturation de son interprétation.

Le droit patrimonial de l’artiste interprète

Par ailleurs, même s’il est rémunéré sous forme de salaire, l’artiste interprète dispose d’un droit patrimonial sur la fixation de sa prestation, sur sa reproduction et sa communication au public, et sur toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image. Il en résulte que toute exploitation de l’interprétation de l’artiste-interprète sera soumise à son autorisation écrite (article L.212-3 du CPI).

Les droits voisins des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes

Définitions

L’article L.213-1 du CPI définit le producteur de phonogrammes comme « la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de son ». Le producteur de vidéogrammes est « la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non » (article L.215-1 du CPI).

Les droits voisins des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes

Les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes ont tous les deux le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire l’utilisation et la reproduction directe ou indirecte de leur support d’enregistrement. Ils peuvent également contrôler toute reproduction et mise à disposition du public, peu importe la forme : vente, échange, louage ou communication au public de l’œuvre. Mais, contrairement aux artistes interprètes, ils n’ont pas de droit moral.

Les droits voisins des entreprises de communication audiovisuelle

Les entreprises de communication audiovisuelle sont des « organismes qui exploitent un service de communication audiovisuelle au sens de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, quel que soit le régime applicable à ce service » (article L.216-1 du CPI). Ces entreprises ont la faculté d’autoriser ou d’interdire « la reproduction de ses programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée » (article L.216-1 du CPI). Tout comme les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes, les entreprises de communication audiovisuelle n’ont pas de droit moral.

Les droits voisins des éditeurs et agences de presse

La loi du 24 juillet 2019 a transposé la directive européenne 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Le principal apport de la directive a été de reconnaître des droits voisins aux éditeurs et agences de presse. Désormais, tout service de communication au public en ligne[3] doit obtenir l’autorisation de l’éditeur ou de l’agence de presse « avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique » (article L.218-2 du CPI).

La durée des droits patrimoniaux

La durée de protection des droits voisins revêt un caractère temporaire : elle est de cinquante ans pour les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle, à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première fixation d’une séquence de son et d’images pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et de la première communication au public des programmes (article L.211-4 du CPI).

Toutefois, la durée des droits patrimoniaux s’élèvent à soixante-dix ans lorsque l’interprétation de l’artiste-interprète a été fixée dans un phonogramme qui a fait l’objet d’une mise à disposition ou d’une communication au public.

Par ailleurs, pour les éditeurs et agences de presse, la durée des droits patrimoniaux est fixée à deux ans à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première publication d’une publication de presse.

La rémunération des droits voisins

Les droits voisins sont des droits conférés aux auxiliaires de la création afin de protéger l’interprétation d’une œuvre de l’esprit.

On parlera de droits voisins pour l’exploitation de la prestation de l’artiste (captation[4], film, publicité, voix off…).

Pour que la prestation soit enregistrée, l’artiste doit autoriser la fixation de son interprétation en cédant par écrit ses droits voisins.

La cession peut être gratuite ou onéreuse. Si la cession est onéreuse, la contrepartie pour l’artiste cédant ses droits voisins se matérialisera par le versement d’un salaire. Selon l’article L.7121-8 du Code du travail, dès que la présence physique de l’artiste n’est plus requise pour exploiter cet enregistrement et dès lors que la rémunération est fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement, elle n’est pas considérée comme salaire.

L’artiste percevra donc deux rémunérations :

– d’abord, un salaire (rémunéré en cachet pour toute représentation) ;
– ensuite, un revenu secondaire ou accessoire dit « droits voisins » pour l’exploitation de l’œuvre. Cette seconde rémunération implique l’existence d’un contrat de cession de droits voisins ou une clause de cession prévue dans le contrat de travail initial de l’artiste.

L’artiste pourra déclarer ce « revenu accessoire » lors de la déclaration annuelle de revenus et d’activités ou, par défaut, en bénéfices non commerciaux (BNC).

L’article  L.7121-8 du Code du travail prévoit qu’à défaut de qualification de salaire, le revenu accessoire devient « une redevance » ou royalties

[1]L’article L.112-2 du CPI énumère les œuvres qui constituent une « œuvre de l’esprit ».

[2] Voir aussi Frédéric DIEU, « DROITS VOISINS : DE QUOI PARLE-T-ON ? », Cahier Pro, Janvier 2020, p.2

[3] Les services de communication en ligne » incluent les moteurs de recherche et les réseaux sociaux

[4] La captation d’un spectacle vivant est son enregistrement afin qu’il soit diffusé devant un public. La captation peut être sonore ou audiovisuelle, peut avoir une finalité commerciale ou promotionnelle, voire être réalisée à des fins d’archivage.

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