L’application aux enfants influenceurs « professionnels » du régime d’autorisation applicable aux enfants du spectacle
Bien que le travail des enfants de moins de seize ans soit en principe interdit par le code du travail (article L. 4153-1), celui-ci ménage une exception pour les enfants employés dans le secteur du spectacle, de la publicité, de la mode et des jeux vidéo (article L. 7124-1 à 35). Le bénéfice de cette exception est toutefois subordonné à la délivrance par l’administration d’une autorisation individuelle préalable1. L’article 1er de la loi du 19 octobre 2020 étend aux enfants influenceurs ce régime d’autorisation individuelle préalable (cf. encadré).
Sont concernés, en premier lieu, les enfants de moins de seize ans engagés ou produits dans une entreprise d’enregistrements audiovisuels, quels que soient leurs modes de communication au public. En conséquence, tous les professionnels de la production de contenus audiovisuels qui engagent ou produisent des enfants de moins de seize ans sont soumis à ce régime d’autorisation individuelle pour chacun des enfants qu’ils emploient, ces enfants étant considérés comme de véritables travailleurs salariés (le 2° de l’article L. 7124-1 est complété sur ce point).
Sont concernés, en second lieu, les enfants engagés ou produits à l’initiative des utilisateurs des platesformes de partage de vidéos, c’està- dire « par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, en vue d’une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos » (ajout d’un 5° à l’article L. 7124-1). Sont ici visés les parents produisant leurs enfants. Le régime d’autorisation individuelle préalable s’applique là encore, mais cette fois à quatre conditions.
Les conditions d’emploi de l’enfant doivent caractériser l’existence d’un contrat de travail et donner lieu à une diffusion à titre lucratif sur un service de plate-forme de partage de vidéos. Les enregistrements concernés sont ceux « dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans » et qui sont destinés uniquement à tel service. Ainsi, lorsque l’activité ne présente pas de caractère lucratif, aucune autorisation préalable n’est requise. Aucune autorisation n’est requise non plus lorsqu’il s’agit d’employer des enfants influenceurs « par ricochet », c’està- dire qui figurent dans la production d’influence des parents mais ne sontcependant pas le sujet principal de cette production. Ceux-ci ne sont donc pas protégés par le nouveau dispositif.
Relevons enfin que la loi confie au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) la mission d’accompagner les plates-formes de partage de vidéos dans la formalisation (obligatoire) d’engagements, sous forme de chartes, visant à lutter contre l’exploitation commerciale de l’image des mineurs de moins de seize ans et à détecter des situations à risque pour ces mêmes mineurs. Pour l’exercice de cette mission, le CSA peut recueillir toutes les informations nécessaires auprès de l’ensemble des acteurs (administrations, producteurs, éditeurs, services de communication audiovisuelle, exploitants de systèmes d’accès…) et également procéder à des enquêtes auprès de ceux-ci.
L’application aux enfants influenceurs « semi-professionnels » d’un régime de déclaration préalable
Ce régime déclaratif s’applique aux situations dans lesquelles l’enfant n’est pas un véritable salarié et se livre (ou est livré) à une activité qui n’est ni un travail ni tout à fait un loisir. Les débats parlementaires ont qualifié les enfants concernés de « semi-professionnels ». Lorsque l’article L. 7124-1 du code du travail – évoqué ci-dessus – ne lui est pas applicable, la diffusion de l’image d’un enfant de moins de seize ans sur un service de plateforme de partage de vidéos, lorsqu’il en est le sujet principal, est soumise dans deux cas à une déclaration auprès de l’autorité compétente par les représentants légaux2. Le premier cas se rapporte aux situations dans lesquelles la durée cumulée ou le nombre des contenus excède, sur une période de temps donnée, un seuil fixé par décret.
Une loi pour lutter contre l’exploitation commerciale de l’image des mineurs
Le second cas se rapporte aux situations dans lesquelles la diffusion de ces contenus occasionne, au profit de la personne responsable de la réalisation, de la production ou de la diffusion de ceux-ci, des revenus directs ou indirects supérieurs à un seuil fixé par décret. On ne connaît cependant pas à ce jour les seuils en question, qui devront être fixés par un décret en Conseil d’État et marqueront ainsi la limite à partir de laquelle l’activité de l’enfant ne relève
plus du pur loisir. La loi ajoute que l’autorité auprès de laquelle doit être faite la déclaration formulera, à l’intention des représentants légaux de l’enfant des recommandations relatives :
- aux horaires, à la durée, à l’hygiène et à la sécurité des conditions de réalisation des vidéos ;
- aux risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de celles-ci ;
- aux dispositions visant à permettre une fréquentation scolaire normale ;
- aux obligations financières qui leur incombent le cas échéant.
Sur ce dernier point, la loi prévoit en effet que, lorsque les revenus tirés de la diffusion des contenus excéderont, sur une période de temps donnée, le seuil qui sera fixé par décret, les revenus perçus à compter de la date de dépassement du seuil constitueront un pécule qui devra être versé sans délai à la Caisse des dépôts et consignations et sera géré par cette caisse jusqu’à la majorité de l’enfant ou jusqu’à son émancipation.
Cette obligation de constitution d’un pécule est d’autant plus importante qu’elle devra être vérifiée et respectée non seulement par les représentants légaux mais aussi par tout annonceur qui effectue un placement de produit dans un programme audiovisuel diffusé sur une plate-forme de partage de vidéos dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans.
Autrement dit, l’annonceur devra vérifier si, compte tenu du seuil fixé par décret, les revenus perçus par l’enfant influenceur doivent être versés aux parents de l’enfant ou à la Caisse des dépôts et consignations. Si ce seuil est dépassé, l’annonceur versera la somme due en contrepartie du placement de produit à la Caisse des dépôts et consignations.
1 Aux termes de cet article : « Un enfant de moins de seize ans ne peut, sans autorisation individuelle préalable, accordée
par l’autorité administrative, être, à quelque titre que ce soit, engagé ou produit : 1° dans une entreprise de spectacles, sédentaire ou itinérante ; 2° dans une entreprise de cinéma, de radiophonie, de télévision ou d’enregistrements sonores ; 3° en vue d’exercer une activité de mannequin au sens de l’article L. 7123-2 ;
4° dans une entreprise ou association ayant pour objet la participation à des compétitions de jeux vidéo au sens de l’article L. 321-8 du code de la sécurité
2 Cf. Loi du 19 octobre 2020, article 3, I.